lundi 23 février 2009

"Artisanat de tranchées"

Dimanche 22 février 2009 : Exposition au Musée Lorrain à Nancy...

Actuellement, une petite exposition temporaire présente dans des vitrines du second étage du Palais ducal, quelques objets réalisés par les poilus durant la guerre de 1914-1918. Artisanat dit "de tranchée", mais en réalité, ces objets ont été fabriqués à l'arrière pendant le repos car au front, il n'est pas question d'interrompre une vigilance vitale.

On peut y voir des cannes de tranchées, réalisées pour ne pas glisser dans la boue. Elles sont généralement sculptées de serpents et de têtes d'animaux. Il y a surtout des douilles, en majorité d'obus de 75, transformées artistiquement en vases, sculptées, découpées, torsadées… D'autres objets plus élaborés sont fabriqués avec les bagues décollées des obus, avec les têtes, avec des balles de fusil. Ce sont des crucifix, des boites, des coquetiers, des cadres, des coupe-papier, des bracelets… Il y a aussi des os peints ou sculptés, des éclats d'obus soudés…
C'est avec une certaine tendresse que j'imagine ces hommes ornant soigneusement des morceaux de bois, de cuivre ou d'aluminium, appliqués à transformer en œuvre d'art des objets de mort récoltés çà et là sur les champs de bataille. Fussent-ils français ou allemands !
Une vidéo présente la rêverie émue d'une jeune femme lors d'une vente aux enchères d'objets fabriqués par son aïeul.



Le Milou, mon grand-père n'était pas à proprement parlé un poilu. Ordonnance d'un gradé pour cause de pieds plats, ses fonctions de popotte et d'astique-pompes lui épargnèrent le front. En effet, ce handicap qui ne l'avait jamais perturbé le moins du monde, lui sauva la vie en lui fermant l'accès à l'infanterie. Il serait mort à coup sûr dès les premiers combats comme en témoigne l'hécatombe qui décima son groupe de copains auprès desquels il avait souhaité s'engager. Il n'en fut pas moins victime des gaz, ce qui lui valut la perte définitive de l'odorat mais en compensation, il trouva l'amour de sa belle infirmière qui devint ma grand-mère. Comme il est fier, mon grand-père, dans son costume militaire, à côté de sa Françoise en robe blanche et voile de tulle, le 13 mars 1917, jour de leurs épousailles !

Hélas, que ne lui ai-je davantage demandé de raconter sa guerre, lui qui des années après l'armistice ironisait encore sur l'accent du Nord de quelques camarades d'infortune et dont, cinquante ans plus tard, il était encore capable de citer tous les noms ! Les souvenirs sont partis irrémédiablement avec lui. Je sais simplement qu'il navigua de Craonne à Charmes où il fut blessé. En chemin, il avait pris goût, par ironie du sort, aux pieds de porc de Sainte Menehould !

Fabriqua t-il lui-même ce type d'objets ? J'ignore si les trésors en cuivre qu'il avait fièrement extraits un jour de son grenier étaient ses propres œuvres, mais il nous donna deux douilles d'obus de 75 finement décorées, une douille beaucoup plus grande métamorphosée en porte-parapluie, un coupe papier et d'autres menus objets. Nous ne fûmes pas dignes de sa confiance. Jugés encombrants et inutiles à la veille d'un nième déménagement, ces objets naïfs dont nous sous-estimâmes la valeur et que nous dédaignions furent condamnés à ne pas être du voyage et vendus au poids du cuivre ! Une once de remords dut envahir mes parents qui dissimulèrent ce troc à mon grand-père. J'étais trop jeune alors pour m'en être émue.
Seule, une assiette au décor martelé d'une touchante sobriété a échappé au désastre. Je la conserve précieusement telle une relique, avec l'immense regret qu'elle soit l'unique vestige d'un précieux butin. C'est sans doute sa rusticité qui l'a sauvée. Mon grand-père dissimula mal son émotion le jour où il devina le peu de cas que nous avions fait de ses souvenirs. Mais je puis affirmer que j'ai alors compris qu'il en avait éprouvé un réel grand chagrin.

samedi 21 février 2009

Lire...


Lire ?

Lire !

Ça commence un peu avant cinq ans par "PA-PA A UN A-MI PI-PO ! Puis on accroche très vite… le goût de la lecture fut cultivé par mes parents qui, à la veillée, m'émerveillaient avec les contes de Perrault ou d'Andersen.

Ça continue à la lueur d'une lampe de poche, sous les couvertures, ou quand la lampe de chevet peut être rallumée discrètement, la lumière du pallier ne filtrant plus sous la porte de la chambre et le silence régnant enfin dans la maison. Bécassine ou Tintin ce n'est pas facile à manier, sous les draps !

Le Club des Cinq m'a très tôt fait rêver aux trésors que je n'avais pas la chance de trouver en vrai. Bientôt remplacé par Jane Eyre ou par les 4 filles du Docteur March, Sophie et ses malheurs, Camille et Madeleine, si bonnes, le petit Diable, si turbulent. Perdus au fil des déménagements, mes vieux "bibliothèque rose" à la tranche dorée, illustrés de lithographies prestigieuses, ont été petit à petit retrouvés sur les quais de Seine ou à Fontenoy la Joute, mais ce ne sont pas les miens !

Ensuite, lire ce que la bibliothèque familiale recelait comme trésors. Je n'ai pas épuisé tout Dumas en Nelson, ni Pierre Benoît dans une édition populaire des années 40 dont il fallait découper les pages au coupe-papier, et si Colette était jugée scabreuse, c'est en cachette que j'allais avec Claudine "à l'école" puis "à Paris", prenant soin de remettre le volume à la bonne place sans faire grincer les portes du veux meuble.

L'adolescence me laissa, grâce au temps passé dans les transports en commun et à quelques "études" courtes en demi-pension, des loisirs que je meublais dans les livres, négligeant trop souvent la leçon d'histoire ou de géographie. Je ne disposais pas alors de médiathèque et me procurais au kiosque de la gare ce que le "Livre de Poche" mettait à portée de ma bourse alimentée par quelques maigres revenus insuffisants à ma gourmandise littéraire.

Le livre sera toujours un fidèle compagnon. Pas de soirée qui ne se termine sans un bon roman que je ferme à regrets lorsque je réalise que mes yeux papillotent sur des phrases relues deux ou trois fois. Pas de valise sans un ou deux livres.
Pas de Noël sans en offrir.

Lire partout. Lovée sur le canapé, enroulée dans un châle douillet, pendant la sieste des enfants. À l'ombre d'un grand saule, à plat ventre sur une couverture, à côté d'une rivière où monsieur trempe sa ligne.
Lire aussi pour oublier, quand les aléas de la vie vous font souffrir. "Je n'ai jamais eu de chagrin qu'une heure de lecture n'ait dissipé." Montesquieu. Il m'a fallu parfois des heures !

Mes moyens et la médiathèque de ma ville me donnent aujourd'hui un choix plus vaste de lectures. J'ai peu d'a priori. Une couverture classique ou attirante, un bandeau rouge, une recommandation par une revue, une quelconque newsletter ou un forum. Tout est envisageable. Je suis parfois déçue par quelque ouvrage reconnu, parfois agréablement surprise par quelque découverte. Je ne donnerai pas de titres, (cela me disqualifiera peut-être), car je ne saurais être que dépendante de mes choix récents : Éric Emmanuel Schmitt, Marie Nimier, Annie Ernaux et bien d'autres !
Depuis toute petite, je note soigneusement sur un vieux carnet jauni que m'avait donné mon grand-père, les titres et les auteurs au fur et à mesure de mes lectures. Statistiquement parlant, cela fait sur une cinquantaine d'année une moyenne d'un livre par quinzaine. Non, ce n'est pas énorme, mais il y eut des années plus creuses et des "pavés" meublant plusieurs semaines. Mais le n'ai pratiquement jamais fermé définitivement un ouvrage sans l'avoir terminé !

Enfin, écrire : un peu... Et se rendre ainsi compte qu'il est difficile d'écrire sans dévoiler une partie de soi-même. Je ne serais pas capable de raconter quoi que ce soit qui ne soit pas vécu ! Cela permet de mieux comprendre les autres et peut-être aussi de rester modeste vis-à-vis de soi-même.