jeudi 19 mars 2009

Hommage

Roger P. - 3 mars 1943.
Sanguine réalisée à partir d'un cliché du studio Carlet qu'elle avait fait faire exprès pour lui, en 1942.

Elle s'appelait "Yvonne"… espiègle fille unique qui, devant l'herboristerie maternelle, assimilait la bouche d'égout à sa tirelire. Elle n'eut pas la vie très rose quand sa maman se sépara de la boutique pour s'occuper d'autres enfants qui avaient, eux, la chance de posséder des parents assez fortunés pour s'offrir une aide sage-femme à domicile ! Quand Maman Françoise s'occupait des bébés des autres, la petite Yvonne pleurait en secret dans son pensionnat.

On l'appelait "Vonnette", plus apte à faire rire ses copines du cours complémentaire qu'à étudier, plus encline à écouter Tino à la radio qu'à faire des gammes. Papa avait dit : "pas deux instruments de musique à la maison !". Entre le gros appareil TSF à lampes dernier cri et le vieux piano rébarbatif, le choix fut vite fait, au grand regret de Françoise qui aurait aimé que sa fille devienne une "dame" comme celles dont elle s'occupait des nourrissons. Les cours Pigier en firent une secrétaire sténodactylo dans un ministère, en ville.

On l'appela "Sa Vonnette", quand elle rencontra le beau Roger. Prête à le suivre en enfer ! Ce qu'elle fit en allant le rejoindre en Allemagne où, après quelques mois en camp de représailles, il était passé de la ligne Maginot à la ligne haricot vert puis à la ligne fil de fer. Ils ne se sont plus séparés.

Elle devint "Madame P", ballottée çà et là au hasard des mutations de monsieur. Ce fut au tour de leurs enfants d'être pensionnaires.

Elle était "Mamy" quand la mort lui enleva son Roger. Perdit alors tout désir de vivre, souhaita le rejoindre bientôt. Rêvait au temps passé dont elle entretenait le souvenir avec de vieilles photos, de vieilles lettres, pleurant sur le passé.

Je l'appelais "Man-man", à la parisienne.

Elle aurait 90 ans aujourd'hui même, mais ce jeudi 19 mars, je ne lui enverrai pas les chocolats qu'elle aurait dévorés avec gourmandise. Je ne lui écrirai pas comme chaque année que mes crocus sont fleuris dans mon jardin, qu'on fête aujourd'hui même les noces des petits oiseaux, que le vilain hiver s'en est allé et que le gentil printemps est enfin de retour.

Yvonne : Paris 12ème, 19 mars 1919 - Metz, 5 novembre 2008

jeudi 5 mars 2009

Une photo, vieille photo…

Marianne s'assoit devant la table où elle vient de poser une boîte à chaussures, un emballage de biscuits en carton ondulé défraîchi, un antique carton à dessin et une grosse boite en bois.

Par quoi commencer ?

Elle sait bien que ces vieilles photos, héritage de quatre ou cinq générations, pratiquement depuis les origines de la photo, ne seront pas muettes. Elle ne les a pas encore triées depuis leur acquisition, après le décès de sa vieille maman. L'accumulation de génération en génération en a fait un melting pot géant.

Elle ouvre doucement la boîte à chaussures. Pose distraitement le couvercle à côté, d'une main tranquille. Égrène comme un chapelet, petit paquet par petit paquet, des photos, en couleur pour beaucoup d'entre elles, pas très anciennes mais aux teintes délavées. Bleutées, violettes, jaunâtres. C'est fou ce que l'on peut prendre les enfants en photos !
Elle y reconnaît des neveux, des cousins, toute la famille à une communion, à un baptême, sur une plage, au pied d'un sapin de Noël…. Instants précieux figés à jamais mais qui ne lui semblent pas si éloignés, sa mémoire en ayant conservé les mêmes clichés, tout aussi décolorés, édulcorés et pourtant si frais.
Dans des pochettes en plastique fripé, des petites photos carrées parfois récupérées de pièces d'identité, montrent la même personne à des âges différents. Grand-père et Grand-mère dans une pochette double, saisissant raccourci de leurs longues vies. Des photos d'elle dont elle ne se souvient même plus des circonstances dans quelles elles ont été prises. Des vacances… Une plage à Trégastel. Il y a du vent. Grand-père est coiffé de son inséparable casquette, qui cet été là, fut une casquette de toile bleue. Grand-mère affiche un fier sourire sous la coiffe locale revêtue spécialement pour être immortalisée. Des bateaux, des rochers... Maman tricote, sa soeur fait un château de sable. Quels drôles de maillots de bain tricotés on portait alors ! Les mêmes pour les fillettes et pour les garçons ! Cette année là, on roulait en 4CV, celle-ci en Dauphine, toit et coffre surchargés du matériel de camping nécessaire à 4 personnes : le strict minimum. Vacances à la montagne, pendant que Maman est en cure, papa promène les filles sur les petits chemins environnants. Quelques paysages de montagne.
Quelques coins de Meuse quand on emmenait Grand-père sur les champs de bataille. Devant la Porte des Allemands, une froide journée d'hiver, avec l'autre grand-mère. Plongeant les mains dans une fontaine de la place de la Carrière, à côté de sa sœur, même robe courte en vichy, mêmes socquettes blanches. Premiers souvenirs de Metz et de Nancy.
De rares photos de classe comme celle-ci, ridicule, où elle est seule avec sa sœur, en blouse écossaise volantée, devant une carte de géographie, qui ne réveille aucun souvenir, ne montre aucun camarade !
Des inconnus. Des groupes où elle ne reconnaît que ses parents, lors de voyages de retraités, de repas d'anciens combattants.
Finalement tous ces clichés émouvants sont malgré tout sans surprise. Elle tente un vague classement chronologique, facilité pas les informations écrites au dos d'une petite écriture fine et penchée qu'elle reconnaît comme étant celle de son père : Buzy, février1956 ; Buzy inondé, 1957 ; Allevard, juillet 1958 ; Verdun, Lycée Margueritte, septembre 1960 ; Amanvillers, fiançailles de D. et C., 1966 ; Montigny, jardin botanique, 1980…
Puis elle les remet soigneusement dans leur boite. Les doubles sont mis de côtés pour les enfants, si ça les intéresse ! Il faudrait faire un album ! Voilà une occupation pour le prochain hiver.

Échange la boite à chaussures contre la boite en bois dont elle reconnaît la facture grand-paternelle, rustique et solide, à charnière ingénieuse !
Ici, pas de photos en couleur. Toutes sortes de formats. Beaucoup de petites photos glacées à entourage blanc et bords crantés. Dans un désordre organisé. Certains clichés sont groupés dans de vieilles enveloppes beiges de récupération dont le timbre, écusson d'une province, Semeuse, Cérès, permet de dater l'archivage. Dans celle-ci des soldats, entre 1936 et 1940, photos non datées. Au sein des groupes, Marianne reconnaît son père en ce grand jeune homme si maigre sous son calot ! Sur d'autres, elle trouve le même, adolescent filiforme, en randonnée alpine chez ses cousins du Beaufortin. Il est à côté de gens qu'elle ne connaît pas. Quoi que… en regardant attentivement, cette petite dame pourrait être la Tante Marthe dont elle conserve un souvenir assez tendre. D'ailleurs, c'est bien elle, sur cette autre photo, à côté de sa belle-sœur. Une très vieille photos d'inconnus devant leur café à Colombes, quand les savoyards ont quitté leurs montagnes.
Dans cette autre enveloppe, les soeurs Le Lay, copies conformes les unes des autres. Marianne reconnaît bien sa grand-mère à laquelle elle ressemble tant dans cette jeune dame en tenue d'infirmière tenant un nourrisson ou un autre dans ses bras. Ses bébés, comme elle les appelait ! L'oncle Louis, en fauteuil roulant (et quel fauteuil !) poussé par sa marraine de guerre qu'il vient juste d'épouser, après avoir perdu sa jambe quelque part sur les plateaux de Meuse, du côté des Éparges. Quelques rares photos de sa mère enfant ou adolescente. Des femmes devant la maison de meulière en banlieue, où elle naîtra quelques années plus tard. Catherine, ratatinée comme une vieille pomme, chaussée de sabots, est assise sur les marches entre deux de ses petits-fils à l'air filou de titis parisiens ! La chienne Cora, affublée de la casquette du grand-père, faisant "la belle" ! Dico, un autre chien !
Un tout petit album fait maison, cousu avec une cordelette verte, contient les photos de ses parents. Leurs randonnées à vélo ou à moto. Leurs fiançailles : que de fleurs ! Puis leur mariage… que de fleurs encore ! Les femmes ont l'air si tristes sur celle-ci prise en 1942 pour le mari-fils-gendre prisonnier en Poméranie. Les marches de la maison de banlieue ont permis d'immortaliser bien des réunions de famille... Comme elle est émouvante, cette autre, prise au retour des prisonniers. Dans le jardin, l'autre grand-mère au port bien droit tient dans ses bras sa petite-fille déjà orpheline. La sœur de Marianne apparaît bientôt, puis Marianne. Le nid d'amour des parents s'est transformé en pouponnière. Quelques photos en ont immortalisé le souvenir.
Dans le fond de la boite, reposent les clichés de studio de photographes d'une incomparable netteté, soigneusement protégés par un cellophane parfois défraîchi ou déchiré. Ce gamin maigre en premier communiant, au brassard brodé, c'est le père de Marianne. Des mariages où elle reconnaît seulement quelques personnes, souvent sans mention de date ni de lieu. Un beau soldat le jour de ses noces, le 13 mars 1917, c'est le grand-père de Marianne et sa belle infirmière. Sur celle-là, elle situe très bien sa mère dans l'adolescente aux joues rondes et son grand-père grâce à sa petite moustache ! La grand-mère au doux sourire n'est pas loin. De l'une des plus vieilles et énigmatiques photos de mariages a été extrait un bel agrandissement de Catherine, robe noire et coiffe "tongdu". Si elle a 17 ou 18 ans tout au plus, le cliché un peu pâle doit dater de 1885 ou 1886 !
L'oncle fleuriste de Marianne le jour de son mariage. Ses cousins, cheveux longs ondulés, en barboteuse brodée. Le baptême du plus jeune en 1954, "précipité" l'année de ses 4 ans parce que le parrain qui n'est autre que le père de Marianne est muté en "Province", tout là-bas en Lorraine ! Les enfants souriants sur le capot de l'antique NN Renault qui les conduira vers cet inconnu.
Difficile de classer ces photos ! Finalement, Marianne les replace pratiquement comme elle les a trouvées et referme la boîte comme un précieux sarcophage.

La vieille pendule d'argent égrène quelques sons clairs : Marianne se dit qu'elle a encore quelques heures disponibles pour remonter un peu le temps !

Elle replace les deux boîtes dans l'armoire vitrée dont la porte grince depuis toujours, personne dans la famille n'ayant jamais souhaité supprimer cette musique familière. Elle remet une bûche dans la cheminée où le feu s'éteint tristement, activant les flammes avec le buffon. Puis revient à la table et, sans s'asseoir, saisit le carton à dessin défraîchi dont elle défait les deux seuls cordons noirs restants, les autres, tant de fois noués et dénoués, ayant cédé aux années. Son père y avait remplacé dessins et aquarelles par ses agrandissements photos. Une passion avait chassé l'autre. Enfin, ce qu'il reste des photos de son père, car les petits-enfants se sont partagé les plus belles et les plus grandes.
Paris nocturne, les escaliers de Montmartre, le Moulin Rouge, un café célèbre, des scènes de la foire du Trône, ses enfants déjeunant sous les ombrages d'une terrasse, une composition humoristique, un reflet dans une flaque d'eau… De grands formats dont les essais ont été développés par son père dans les cuves du laboratoire improvisé dans le cagibi de l'appartement familial. Tous avaient été exposés, certains primés. Ils portent encore au dos le cachet de l'exposition. Dans le carton, les vieux feuillets dactylographiés du programme du photo-club dont il faisait partie. Son nom est mentionné dans les lauréats et Marianne ne peut s'empêcher d'en éprouver quelque fierté !
Le vieux carton à dessin est délicatement refermé et replacé soigneusement dans l'armoire à la porte chantante.

Les sonneries de la pendule se font nombreuses. Marianne n'a plus qu'un carton à explorer : je vais faire vite songe t'elle, un peu lasse !

Décroise les 4 pans du dessus. Examine rapidement le contenu.
- Hum, ça risque de ne pas être si vite fait !
Dans une grosse enveloppe kraft, la suite des photos de son père, les petits formats et quelques essais, sur d'étroites bandes de papiers de "dureté" différente, avec des temps d'exposition variés. En mat, en brillant…
- Tout ça, je conserve, se dit elle. Les replaçant dans l'enveloppe.
Soigneusement emballé dans un vieux journal, un daguerréotype. L'image est sombre, le cadre mal recollé avec un papier toilé noir. Aucune identification des personnages n'est possible. Marianne range soigneusement l'objet précieux dans son emballage de fortune, se promettant de l'offrir à son fils dont elle sait que le penchant pour la photo le lui fera apprécier à sa juste valeur. Ainsi, les personnages resteront dans la famille dont ils font peut-être partie.
Dans une enveloppe blanche sont rangées trois photos de petit format. C'est Anne Amélie, la fameuse tante de Versailles, Lorraine de naissance, qui éleva la grand-mère de Marianne. Son nom est inscrit au cayon sur l'enveloppe. Sur l'une, on la voit très âgée. Comme elle est née en1848 et que la voiture de la photo semble dater d'entre les deux guerres, elle doit largement dépasser les 80 ans. Elle est vêtue d'une robe sombre qu'on croirait faite dans un vieux dessus de lit, d'un manteau noir orné de passementeries et pompons semblables à des double rideaux. Col de fourrure et petit chapeau noir ! Une autre photo d'elle entre deux âges dans son jardin, une troisième, sépia, la présente "en pied", robe à grands motifs, manches gigot et faux-cul… élégant petit chignon sur le dessus de la tête. Elle est jeune, belle, noble.
- À conserver !
Marianne remet les trois clichés dans l'enveloppe quelle pose sur le daguerréotype. Puis elle sort du carton un énorme album complètement désarticulé, à la couverture de velours rouge passé et effiloché, ornée de motifs en argent ou en étain ! Sur les épaisses pages cartonnées, toute une galerie de portraits. Il y a quatre photos par page, glissées entre deux feuillets, apparaissant par des fenêtres ornées d'arabesques, toutes identiques. Ce sont de vieilles femmes austères, de jeunes élégantes, des soldats, des hommes à moustache généreuse ou barbichette napoléonienne. Tous des inconnus. À l'intérieur, elle trouve une feuille volante avec des noms dont elle reconnaît quelques uns pour les avoir croisés dans la généalogie familiale. Ces gens seraient donc de la branche savoyarde !
- À conserver !
Et dans le fond du carton, tout un tas de clichés d'inconnus, en couple, parfois avec des enfants en robe blanche, en groupes à l'occasion d'un mariage. Elle les passe en revue rapidement, mais ne reconnaît personne. Aucun nom, aucun lieu. Beaucoup sont des gens très chics et élégants.
- Que faire de cela ! Je ne vais quand même pas les mettre à la poubelle, ni à la déchèterie avec les journaux et les publicités !

La pendule, sonne d'un unique battement éraillé. Il se fait tard. Dans la cheminée, le feu se meurt.

- Voila qui est terminé, se dit Marianne en déchirant ces derniers clichés et les jetant dans la cheminée, où le feu s'éveille brièvement, enveloppant les photos qui se tordent tristement, avant de se transformer en un mille-feuille noir qui finira par se consumer tout seul.
Et c'est alors, seulement, que Marianne réalise qu'elle a probablement brûlé les photos des familles juives dont sa grand-mère s'était occupée des jeunes accouchées et de leurs nourrissons. Familles décimées par la déportation, ayant toutes été englouties par quelque crématoire sordide, du côté de Dachau ou de Buchenwald.
- Je les ai jetés au feu, une seconde fois, se dit-elle avec remords ! Mais existe-t-il un cimetière pour les photos d'inconnus ?

Marianne ferme le carton dans lequel elle a ragé les dernières photos. Le replace dans l'armoire dont la porte chante : "Elie, Elie, la ma sabachtani… Dieu, Dieu pourquoi m'as tu abandonné ?"

dimanche 1 mars 2009

Soldat !

Heureux, mon fils, parmi les premiers à ne pas avoir fait ce service militaire qui, disait-on autrefois, faisait de nos garçons des hommes !



Ton arrière grand-père qui s'engagea à 17 ans n'aurait pas compris. Être réformé était alors un déshonneur ! Jamais il ne s'est plaint des souffrances subies entre 1914 et 1918, lui qui fut gazé sur le front Vosgien ! Y perdit l'odorat mais sauva sa peau.




Ton grand-père, incorporé en septembre 1936 a fait un long service militaire de 3 ans. Après six semaines de classes à Forbach, il intègre une caserne à Morhange, en Moselle. Cette affectation lui permet de mettre ses pieds dans la terre lorraine de ses ancêtres, hélas oubliée, et de renouer quelques liens avec un cousinage resté à Vic sur Seille. Il ne pensait pas être soldat si longtemps mais après trois années sous les drapeaux suivies d'un bref retour à la vie civile, il fut rappelé pour un mois, suite à "Munich", en 1938.

Un second rappel en mars1939 le fera soldat plus longtemps qu'il n'aurait pu l'imaginer. Et la photo prise devant la gare de l'Est en 1940 prouve qu'il pressentait un avenir difficile.
Il ne sera définitivement démobilisé que le 10 août 1945 après le sacrifice de presque 9 ans de sa jeunesse.
Entre temps, le 14 juin 1940, il est fait prisonnier à Barst en Moselle où, dans les caves d'une maison de maître, il tenait une radio dans une position indéfendable. Malgré quelques "Kommandos" tout juste supportables en Allemagne, l'attrait de la liberté l'incite à tenter une irréaliste évasion mais l'échec de l'opération le conduit en Poméranie, à Rawa-Ruska, dans un camp de représailles… Puis ce furent d'autres durs kommandos, d'autres statuts. C'est ainsi qu'en "prisonnier libre" (sic), il passe les derniers mois de captivité en compagnie de sa jeune épouse qui était allée le rejoindre. Ils en reviennent à 2 et demi, leur premier enfant ayant été conçu là-bas.

Maman récemment décédée, je viens de récupérer quelques photos de cette époque, mais surtout un manuscrit légendaire. Papa avait écrit en juin 1943 une longue lettre à Maman : 10 pages d'une écriture très fine et serrée, au crayon, sur un papier jauni par les ans. Presque illisible. Ces feuillets avaient été dissimulés dans la double paroi d'un colis qu'il avait expédié en France. Seul indice dans l'officielle lettre jointe : "utilise le bois de la caisse pour faire du feu !"
La lettre ne fut pas trouvée de suite.

On en parla longtemps, je la découvre seulement.
Plusieurs jours m'ont été nécessaires pour déchiffrer l'essentiel des pattes de mouches maladroites de Papa. Je m'imaginais y découvrir les détails sur la vie d'un prisonnier, sa vision de la guerre, de l'Allemagne, des copains, des Allemands. J'y découvre une pathétique lettre d'amour ! Avec le sentiment mitigé de m'immiscer dans l'intimité de deux êtres que l'Histoire avait trop vite propulsés dans la tourmente au lendemain de leur mariage, et de découvrir une réaction à la captivité à laquelle je ne m'attendais pas. Avec une idée fixe : l'omniprésent espoir de rejoindre bientôt celle qui seule à ses yeux de prisonnier représentait une raison de vivre.


On peut espérer que cette guerre sera la dernière et que malgré une autre génération qui sacrifia encore trop de vies, en Indochine puis en Algérie, il n'y aura plus jamais ni prisonniers, ni morts au combat.
Les femmes ne sont pas faites pour donner la vie à des soldats, à de la chair à canon ! La jeunesse n'est pas faite pour défendre quelques kilomètres de frontière, ou une liberté que des généraux ou des dirigeants n'ont pas su préserver !


Heureux, mon fils, si tu ne connais jamais que la vie civile.