samedi 20 décembre 2014

Décembre

Décembre
Aux jours si courts
Quand tombe la nuit
L'étoile au ciel luit
Dans le velours
Sombre

Noël
Ta pacotille
Envahit les magasins
Parmi de verts sapins
Qui scintillent
Artificiels

Enfant
Dans la neige
Glisse sans vergogne
L'hiver en sa besogne
Est un manège
Blanc

Caresse
Du long baiser
Pénétrant et vorace
D'un vent qui glace
Les joues rosées
Blesse


vendredi 5 décembre 2014

Quand sonne l'angélus

Après la Bretagne en août avec Papa et Maman, nous sommes allés chez nos grands-parents. Moi, c'est Antoine et mon grand frère, Gilbert. Il ne veut plus être appelé Gigi disant que ça fait bébé.
Pépé et Mémé habitent un village accroché au flanc d'une colline. Dans le bas, une grande route longe la rivière et le quartier de l'autre côté se nomme le Faubourg. Plus loin, il n'y a rien, juste des prés et des vaches. En haut de la colline, les ruines d'un ancien château font un terrain de jeu idéal. Nous y avons retrouvé nos copains sous un gros marronnier.

Nous nous sommes d'abord un peu ennuyés à jouer à des trucs sans intérêt. Mais le grand Robert a eu une idée géniale :
- Et si on jouait à la guerre ?
Il nous a partagés en deux camps. Ceux du bourg sont les Romains. Gilbert qui s'y connait en histoire aurait voulu être Grec, mais le grand Robert, chez qui il y a la télévision, a vu un film hier et a décrété que les Romains, c'était mieux. Ceux du Faubourg ont décidé d'être des Ricains.
Bernadette est la seule fille. Une fille peut-elle faire la guerre ? Comme elle accompagne Louis qui n'a pas le droit de traverser la route nationale tout seul, elle a été acceptée. Elle fait l'infirmière. Il faut bien quelqu'un pour soigner les blessés !
Nous, les Romains, sommes super chouettes avec nos toges faites de deux torchons blancs reliés par des nœuds aux épaules et serrés à la taille par une corde. Nos sandalettes s'accordent bien à notre tenue, complétée par un casque fabriqué avec du carton gris. Je ne sais pas si la ressemblance avec des Romains est parfaite, mais sous la chaleur, notre uniforme est confortable et léger. Ce n'est pas comme les Ricains, chaussés de bottes en caoutchouc, transpirant sous leur béret et leur gilet. C'est eux qui ont choisi leur costume, ils n'osent pas se plaindre.
Notre arme est une épée bricolée avec deux bouts de bois. Gilbert appelle la sienne Durandal. Les Ricains ont un pistolet imaginaire fait de deux doigts pointés vers nous.
Nous avons choisi chacun notre terrain. Nous, derrière un mur effondré ; les autres, dans un creux qu'ils appellent "la tranchée".
- À l'assaut !
C'est le signal du chef pour nous jeter sur l'ennemi tout en poussant des cris sauvages et en lançant des marrons. Les Ricains hurlent "pan-pan" en nous visant.
Robert est venu avec son chien en disant que c'était Rintintin. Le chien obéit quand un soldat crie "attaque" mais reste accroché à nos vêtements, comme il le fait à la queue des vaches.
À la fin du combat, il y a des blessés et des prisonniers.
Bernadette nous soigne en posant des pétales sur nos blessures. Elle est drôlement jolie dans sa longue liquette blanche. Ses deux nattes blondes s'échappent d'un foulard portant une croix rouge tracée au mercurochrome.
Soudain, elle s'exclame d'un ton grave :
- Il faut signer un armistice !
Elle sourit quand je demande :
- C'est quoi, le narmistice ?
Gilbert explique bien, et maintenant, j'ai compris !

Tandis que nous dévalons la ruelle en courant, les cloches battent à toute volée. Elles sonnent l'angélus mais moi, j'imagine que c'est pour annoncer l'armistice.
Au moment où nous arrivons devant chez Pépé, apparait une 4CV grise. Maman en descend et, aussitôt, nous serre dans ses bras.
- Vous êtes contents les enfants ? Lundi, c'est le 1er octobre., vous allez retrouver vos camarades de classe !
J'essuie discrètement une larme qui roule sur ma joue et me demande si un homme a le droit de pleurer le jour où il cesse d'être un soldat...

dimanche 5 octobre 2014

Chat de braise, ou pourquoi le chat noir porte malheur

C'était il y a bien longtemps. À une époque où l'idée de domestiquer un animal commençait à peine à naître dans l'esprit de l'Homme.
Les femmes étaient blotties les unes contre les autres autour d'un grand feu qui projetait leurs ombres inquiétantes et mouvantes sur les parois du repaire. Non loin, dans un coin sombre, les petits dormaient sur un lit de fougères sèches, enroulés dans des peaux douces et laineuses. Un des chiens de la meute se mit à gronder. Les autres se contentèrent de lever une oreille inquiète. Les hommes les avaient acceptés parmi eux, par accord tacite, depuis qu'ils montaient une garde vigilante, protégeant ainsi la tribu d'attaques soudaines. Ils se satisfaisaient en échange des bas-morceaux de gibier qui leur étaient lancés et pour lesquels soit ils se battaient, l'un mordant à sang tout concurrent visant le même os, soit attendaient leur tour avec soumission. Certains, plus dociles que les autres, autorisaient qu'une main caressante s'attarde dans leur épaisse fourrure. On donnait à ceux-là un nom auquel ils répondaient en s'approchant avec docilité vers celui qui le prononçait.
Parfois, on voyait rôder des chats dans le voisinage. C'était de belles bêtes au pelage ocellé, à la queue touffue, aux yeux luisants de mystère, ne sortant que la nuit. Les hommes avaient commencé à les chasser pour leur fourrure chaude et légère. Farouches, ils s'éloignaient sans bruit à la moindre alerte, au moindre bruit, à la moindre ombre en mouvement. Seuls, des pièges astucieux permettaient de les capturer, plus généralement morts que vifs : on les craignait.
Le chien qui avait grogné - une petite bête rousse et musclée - se leva brusquement et se mit à courir à la poursuite d'une silhouette qui s'était introduite furtivement, s'approchant de la couche des enfants. Il y eut un feulement sauvage et prolongé. L'animal traqué ne put éviter le feu. Son pelage s'embrasa et les flammes se propagèrent à la couche de fougère qui servait de paillasse aux petits des hommes.
Quand les femmes eurent maitrisé l'incendie en l'étouffant avec les grandes peaux sur lesquelles elles étaient assises, elles ne purent que constater le drame : une créature féline carbonisée gisait au milieu des corps inertes de leurs petits.
On raconta la macabre histoire aux hommes à leur retour, puis aux autres qu'on rencontrait dans la forêt. Avec de grands gestes. Avec des grognements. Avec des mots. D'année en année. De siècle en siècle.
L'animal carbonisé se transforma bientôt en chat noir et le christianisme en fit une image diabolique : diable et feu convergent dans la vision de l'enfer.
C'est depuis ce temps bien lointain qu'on redoute de croiser un chat noir, qu'il surgisse de la gauche ou de la droite : vade retro, Satana !

jeudi 12 juin 2014

Les rêveries d'une promeneuse solitaire

Passer derrière l'église en jetant un coup d'œil rapide au clocher dont l'horloge indique déjà trois  heures et ne pas même le prendre en photo comme je le fais très souvent, aimant jouer avec humour avec les perspectives des fils électriques. Prendre la rue du Château qui ne mène pas du tout à un château mais à une grosse maison assez ancienne dont le jardin est entouré de murs envahis de lierre qui ressemblent de près ou de loin à des remparts. La rue grimpe sec. Contourner le cimetière. Être attentif à l'éventualité d'un véhicule qui déboulerait un peu trop vite. Arriver sur des terres agricoles. Parvenir à une patte d'oie. Ne pas prendre le chemin de gauche qui longe champs et vergers, traversant une ancienne terrasse alluviale de la Moselle baptisée sur les cartes "Les Mauvaises Terres". Emprunter celui de droite. Contourner un champ un blé impeccable pour pénétrer dans un ancien verger plus ou moins transformé en cimetière d'engins agricoles. Remorques et vieilles charrues alignées au milieu ne semblent pas y perturber les ruches rangées à l'ombre dans le bas du terrain. Discuter là pendant près de 3/4 d'heure avec l'apiculteur qui vaquait avec de nouveaux essaims, une fois enlevée sa tenue de cosmonaute, il raconte des choses intéressantes sur ses abeilles, sur le propriétaire du champs (qu'il a gentiment menacé de pendre dans son terrain s'il le traitait avec des produits nocifs pour les abeilles), sur les gentils ragots du village... Se sauver enfin parce que les abeilles commencent à trouver que je trouble la quiétude des lieux ! Regretter ensuite de n'avoir pas même pris une photo des ruches, ni des cadres ruisselant de miel frais, ni de l'apiculteur en tenue et en action. J'étais venue pour les papillons !
Au dessus du champs de blé, traverser une prairie fleurie que les cartes nomment "Côte le Renard" mais que tout le monde au village appelle "La Paliade". Se souvenir avec nostalgie qu'autrefois, les enfants venaient y faire de la juge. Y prendre en photo quelques insectes parmi les moins agités qui daignent se poser sur l'une ou l'autre fleur colorée, ou d'autres plus timides qui se cachent dans les herbes.
Arriver un peu essoufflée sur le plateau. Traverser la pinède sombre et sans intérêt. Faire une incursion dans la carrière où quelques orchidées pas sauvages du tout, font au soleil d'aimables poses pour que je leur tire le portrait. Faire demi-tour et pénétrer dans la forêt.
Emprunter un joli chemin creux. Ignorer sur la gauche une carrière en territoire étranger, sur la commune voisine. Marcher à vive allure, jetant un regard furtif au muguet dont les clochettes fanées se taisent désormais dans le sous-bois. Arriver à découvert et constater que la côte se perd à l'horizon dans la brume sur fond de ciel plombé, presque menaçant.
Longer quelques champs dont le patchwork retient mon objectif. Immortaliser des coquelicots. Négliger de faire le détour par les coins où les morilles ne risquent plus de pointer le bout de leur nez pointu.

Pénétrer à nouveau dans la forêt. Contourner l'ancien fort militaire dont l'accès a été bouché par de dérisoires fils de fer barbelés... Même pour une photo, ne pas prendre le risque de faire un accroc à mon pantalon. Rire en mon for(t) intérieur sur la pauvreté des parcelles forestières qui ne fera pas la richesse de la commune qui souhaite les acquérir, mais où quelque taillis de charme fera le bonheur des affouagistes.
Fermer la boucle en revenant au village par la Paliade après avoir pris une nième photo de la vallée qui s'offre au regard, magnifique malgré la présence de quelques baraques sauvages et "paillottes" illégales... L'art de transformer une caravane en résidence champêtre : on installe sa caravane dans son verger, et un jour, on enlève les roues pour l'installer sur des agglos, puis on construit des murs autour de la caravane qui disparait rapidement sous un toit de tôle. Les années passant, la "maison" construite sans permis acquiert une existence légale.

Tenter enfin de retrouver l'un des petits chemins entre les jardins qui permettait de rentrer à la maison sans passer par le village, mais revenir en arrière après avoir constaté qu'ils ont été fermés par les clôtures, les propriétaires ayant largement empiété sur le passage pour une rangée de patates supplémentaire. Rapiner au passage trois cerises sur un arbre du brigadier chef de la gendarmerie, poursuivre la causette avec l'apiculteur qui a troqué son habit blanc contre un tablier de jardinier. Rentrer à la maison par la rue qui passe derrière l'église.
A part l'apiculteur/jardinier, n'avoir rencontré qu'une famille en balade sur le plateau ; un couple -madame retenant le chien et monsieur détectant un improbable trésor avec sa poêle à frire, faisant un trou dans le chemin et se moquer qu'il soit ou non autorisé, et rigoler à l'idée que ses trous ne feront pas la joie des quads et motos de cross ; un vététiste faisant crisser ses freins pour m'avertir qu'il arrivait derrière moi.
Retrouver la maison encore inondée de soleil où monsieur et les chats m'attendent pour diner.

Pierre-la-Treiche ; dimanche 1er juin 2014

lundi 12 mai 2014

Chanson



Pierrot dormait près d'une rose
Qui sa robe avait éclose.
La lune attendait le soleil
Parti dire à deux escargots
Que les feuilles n'étaient plus mortes.

Derrière les murs dans la rue
Dans l'attente de l'aurore,
Des yeux noirs avaient tourné le regard
Vers le ciel, par dessus les toits,
Vibrant aux sanglots longs des violons.

Une souris verte courait dans l'herbe
Pleurant des larmes pures comme la rosée
En écoutant chanter un petit garçon
Aux cheveux blonds comme les blés
Accompagné d'un mouton frisé.

Près de la claire fontaine,
Tout en se penchant pour boire,
Trois capitaines dirent à la fille
Qu'elle n'était pas si vilaine
Avec son jupon de laine.

La musique les prit comme une mer,
Pierrot et les souris,
Les yeux et le petit garçon,
La fille et les capitaines,
Dans ses gouffres amers.

oOo



Remerciements :

Mon ami Pierrot (Au clair de la lune, chanson populaire)
Ronsard (Mignonne allons voir si la rose)
Charles Trenet (Le soleil et la lune)
Jacques Prévert (Chanson des escargots qui vont à l'enterrement)

Louis Aragon (Derrière les murs dans la rue)
Sully Prudhomme (Les yeux)
Paul Verlaine (Le ciel est par-dessus le toit - Chanson d'automne)

La souris verte (comptine)
Charles Guérin (Sois pure comme la rosée)
Antoine de Saint-Exupéry (Le petit Prince)

La claire fontaine (chanson populaire)
En passant par la Lorraine (chanson populaire)
Marie-Madeleine (chanson populaire)

Charles Baudelaire (L'homme et la mer)

mardi 18 mars 2014

Printemps

Semons au jardin
Quand le printemps se réveille
Les fleurs de l'espoir